RĂ©aliser une photographie revient Ă transcrire en deux dimensions (2D) la reprĂ©sentation d’une scène rĂ©elle en trois dimensions (3D). L’objectif de cet article est de vous donner quelques clĂ©s utiles pour tromper le cerveau du spectateur afin qu’il ressente cette sensation de profondeur sans cette troisième dimension. Je classerai ces clĂ©s suivant les aspects suivants :
- rapport d’Ă©chelle
- superposition
- contraste
- effet de vision
- retouche photo au post-traitement
Rapport d’Ă©chelle
Le rapport d’Ă©chelle concerne ici l’Ă©volution de la perception des caractĂ©ristiques dimensionnelles d’un objet en fonction de la perspective. De manière simple et directe, « plus un objet est loin de nous, plus nous le voyons petit ». Comme vous allez le voir, c’est Ă©videmment vrai, mais il n’y a pas que ça.
Dimensions
Comme, je l’ai Ă©crit juste au-dessus, un mĂŞme objet sera reprĂ©sentĂ© plus gros sur une photo, s’il est proche du point de vue et diminuera au fur et Ă mesure qu’il s’Ă©loignera. En fonction de certaines configurations naturelles ou non, la scène Ă photographier prĂ©sentera une sĂ©rie plus ou moins alignĂ©e de ce type d’Ă©lĂ©ments. Classiquement, ceux-ci peuvent ĂŞtre par exemple :
- les poteaux Ă©lectriques
- les pierres d’un mur
- une route de largeur sensiblement constante
- des traces comme par exemple des traces de pas dans le sable…
Leurs agencements linéaires construisent une ligne de fuite imaginaire. Ces lignes de fuite, si elles sont astucieusement placées dans votre composition évoqueront très fortement cette sensation de profondeur.
Motifs
De manière gĂ©nĂ©rale, au-delĂ des dimensions d’un objet bien distinctif, tout ce qui peut s’assimiler Ă un motif, rĂ©pond au mĂŞme phĂ©nomène expliquĂ© prĂ©cĂ©demment. C’est le cas, du motif d’un mur en briques par exemple.
La force des motifs est qu’ils gĂ©nèrent une multitude de lignes de fuite.
PrĂŞtez attention aux motifs est alors une très bonne façon de profiter d’eux pour traduire cette troisième dimension, car ils disparaĂ®tront progressivement avec la distance.
Voici quelques exemples de motifs courants :
- des briques d’un mur,
- des dallages au sol,
- des tuiles d’un toit,
- des fenĂŞtres des immeubles,
- des arbres de mĂŞme essence,
- …
Textures
Plus, nous nous rapprochons des sujets et plus nous pouvons en voir les dĂ©tails. L’ensemble des plus petits d’entre eux reprĂ©sente la texture. Encore une fois, ces informations s’Ă©vanouiront avec sa distance par rapport au point de vue.
Ici, les exemples de motif peuvent ĂŞtre par exemple :
- le maillage d’un tissu,
- les creux et les bosses de l’écorce d’un arbre,
- l’aspect brossĂ© d’un mĂ©tal,
- les piqĂ»res de rouille d’une vieille porte mĂ©tallique,
- les craquelures d’une vieille peinture,
- …
RĂ©fĂ©rence Ă l’Ă©chelle
Petite question au passage : qu’est-ce qui permet de faire la diffĂ©rence entre les trois notions prĂ©cĂ©dentes, dimension, motif et texture ? La rĂ©ponse est le rapport de taille des uns par rapport aux autres.
Afin de pouvoir donner un ordre de grandeur Ă la profondeur, il est important d’introduire une notion de taille de rĂ©fĂ©rence pour l’ensemble de l’image. Concrètement, il suffit d’introduire au moins un Ă©lĂ©ment dont tout le monde connaĂ®t instinctivement la taille.
De nombreux éléments peuvent être utilisés :
- un humain,
- une voiture,
- un insecte,
- un arbre,
- …
Du moment, que les tailles respectives entre les dimensions, les motifs et les textures sont cohĂ©rentes entre elles, l’ensemble de ces notions dimensionnelles permettront Ă duper le cerveau afin qu’il interprète dans la continuitĂ© l’information de profondeur de l’image.
En photomontage, c’est l’un des points les plus importants Ă mettre en place pour donner un rendu rĂ©aliste d’une scène.
Superposition
« Ceux du fond sont cachés derrière les premiers ».
C’est Ă©videmment une autre caractĂ©ristique de la profondeur. Lors de votre composition, il peut-ĂŞtre utile d’intĂ©grer Ă votre image des Ă©lĂ©ments qui se cachent partiellement les uns et les autres. Le cerveau sera ainsi contraint d’intĂ©grer la notion multi-plane de la scène et comprendra alors qu’il y a de la profondeur Ă la scène.
Afin de bien distinguer les diffĂ©rents plans de profondeur (de l’avant-plan Ă l’arrière-plan en passant par tous ceux intermĂ©diaires), il est intĂ©ressant de chercher Ă les rendre distinguables au mieux. L’une des astuces des photographes de paysages est de photographier aux heures de la journĂ©e oĂą la lumière est rasante (premières ou dernières heures de la journĂ©e). Ainsi, en fonction de la structure du sol, prĂ©sence d’arbre, champs de colza ou terre nue…, la luminositĂ© de ses diffĂ©rentes zones s’en trouvent plus contrastĂ©es. Ceci permet alors de mieux les distinguer.
Contraste
Directement, en lien avec la notion de plan de profondeur, nous avons la notion de contraste associé.
Pour rappel, dans mon article dĂ©diĂ© aux contrastes d’Itten, j’explique qu’il existe une multitude de types de contraste.
Il est important de comprendre que quelques soient les types de contrastes, ils diminuent tous avec la distance.
Partant de ce constat, on comprend autrement tout ce que nous avons évoqués précédemment autour des dimensions, motifs et textures. Tout ça est donc cohérent. Ouf !
Diminution du contraste de luminosité
A cause de la couche atmosphĂ©rique, les hautes lumières et les basses lumières sont de moins en moins distinguables pouvant mĂŞme devenir uniforme en cas de brouillard par exemple. C’est pourquoi, il est plus facile d’Ă©voquer cette notion de distance en fonction de conditions mĂ©tĂ©orologiques particulières.
Diminution du contraste de couleurs
Pour la même raison, la saturation des couleurs se réduit aussi avec la distance.
L’ensemble de ses deux contrastes est ce que l’on appelle souvent la perspective atmosphĂ©rique au mĂŞme titre que l’on appelle perspective gĂ©omĂ©trique la gestion des dimensions.
A ce stade de l’article, nous connaissons et avons compris quels sont les paramètres importants Ă prendre en compte pour mieux transcrire la troisième dimension. Pour rappel les voici de façon synthĂ©tique :
- les lignes de fuite imaginaires,
- les lignes de fuite réelles,
- les détails à intégrer au premier plan,
- mettre en évidence les différents plans,
- choisir ses heures de prise de vue,
- profitez de la perspective atmosphérique.
Dans la suite de l’article, voici quelques astuces complĂ©mentaires pour accentuer ces aspects.
Effet de vision
Profondeur de champ
Tout l’aspect technique de comment procĂ©der aux rĂ©glages de la profondeur de champ est expliquĂ© dans mon article dĂ©diĂ©. Je vous invite donc Ă le lire ou le relire si besoin.
L’usage Ă bon escient de ce paramètre, vous permettra de mieux focaliser le regard lĂ oĂą vous le souhaitez tout en dĂ©tachant le plan de nettetĂ© de l’avant ou de l’arrière-plan.
Accentuation de la perspective
La perspective gĂ©omĂ©trique Ă©tant un aspect très important pour donner cette sensation de profondeur, il est souvent utile de l’amplifier. Pour se faire, il est d’usage d’employer des objectifs Ă courte focale. Ici aussi, je vous invite Ă vous rĂ©fĂ©rer aux articles dĂ©diĂ©s aux diffĂ©rentes familles de focales.
Photographier au ras du sol
Dans le cas, oĂą vous n’auriez pas Ă disposition des focales courtes, vous pouvez compenser un peu le problème en photographiant au ras du sol. De cette manière, vous intĂ©grerez plus de premier plan Ă votre photo pour mieux « entrer dedans ».
Retouche photo au post-traitement
Ici, je vais vous donner 3 astuces qui peuvent aussi aider Ă Ă©voquer ou renforcer la profondeur d’une photo. Il est clair, qu’au post traitement, nous ne pourrons pas faire de miracle non plus. Donc, gardez Ă l’esprit l’ensemble des informations de cet article concernant les prises de vue, car c’est surtout Ă ce moment-lĂ que vous avez le plus de possibilitĂ©.
Zooming
Pour faire la transition, voici un effet que l’on peut faire aussi bien Ă la prise de vue qu’au post-traitement. Il s’agit de l’effet de zooming.
Rapidement, pour rĂ©aliser ceci Ă la prise de vue, vous devez rĂ©gler d’exposition correcte de votre photo de manière Ă avoir un temps de pose de l’ordre de 1/30s. La technique consiste Ă zoomer manuellement pendant que vous dĂ©clenchez l’obturateur. Vous obtiendrez alors un flou dynamique partant du centre de l’image et qui s’Ă©talera de façon radiale.
Sous Photoshop, vous trouverez l’option dans les filtres de flou.
Le fait d’avoir ce flou partant du centre donne l’impression d’entrer dans la photo et peut en fonction des cas donner une sensation de profondeur. Il s’agit d’un effet crĂ©atif qui convient bien d’utiliser modĂ©rĂ©ment pour ne pas s’en lasser.
Correction du voile
Il y a quelque temps, Adobe a crĂ©Ă© l’option correction du voile dans Lighroom et CameraRaw. Habituellement, utiliser pour supprimer ou rĂ©duire tout au moins l’effet de la perspective atmosphĂ©rique, il peut aussi ĂŞtre utilisĂ© inversement pour en ajouter. Dans ce cas, je vous conseille de procĂ©der plan par plan localisĂ© pour Ă©tager et ainsi mieux les distinguer.
Tilt-Shift
Cet effet aujourd’hui, un peu trop connu, est nĂ©anmoins une bonne solution pour donner un ressenti intense de la profondeur dans l’image. C’est aussi ce qu’on appelle l’effet maquette.